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Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/163

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Mon père était ravi. Il félicita M. Martinot de ses talents « sur la poésie », et le remercia de sa proposition.

Quand mon père m’apprit l’incomparable honneur auquel j’étais destiné, je pleurai très fort.

— Je ne pourrai jamais ! bégayai-je.

— On peut ce qu’on veut ! prononça mon père… Travaille… Applique-toi… Soigne tes roulements !… Comment ! une procession pareille ! Une fête unique dans les annales de la paroisse !… et toi en tête !… Et tu pleures !… Tu ne te rends donc pas compte !… Voyons, tu ne comprends donc pas !… Sapristi ! Il ne m’est jamais arrivé une chance pareille, à moi !… Et pourtant, je suis ton père !

Ma mère, mes sœurs, mes cousines me raisonnèrent, elles me firent honte de ma faiblesse et de ma timidité. Ma mère, surtout, se montra exaltée et colère.

— Si tu ne veux pas… cria-t-elle, écoute-moi bien… je te reprendrai ton tambour… je le donnerai à un pauvre !

— C’est ça !… c’est ça !… applaudit toute la famille. On lui reprendra son tambour !…

Braves gens ! Comme vous êtes loin, aujourd’hui !