une tonnelle de vigne vierge et d’aristoloches qu’il avait édifiée dans un coin du jardin, et là, débraillé, soufflant, les mains terreuses, il cultivait son esprit en lisant des romans-feuilletons, des histoires de crimes tragiques que lui prêtait l’instituteur, lequel les tenait de la buraliste, qui les tenait du percepteur, lequel était un homme très au courant de la littérature de son temps. Les semaines, les mois, les années se passaient toujours de la même façon, hormis, toutefois, les jours « de correspondance » où il fallait bien monter à cheval et exécuter un semblant de service. Pendant ce temps, les braconniers fusillaient cerfs et chevreuils dans les bois, lièvres et perdreaux dans la plaine ; ils ne se cachaient plus, tiraient, colletaient, panneautaient, à la barbe des gendarmes qui avaient définitivement abandonné le bancal pour le sécateur, et la carabine pour la pomme d’arrosoir. Quant aux maraudeurs nocturnes, pourvu qu’ils ne vinssent point piller les laitues et les fruits du brigadier, tout leur était permis. Aussi s’en donnaient-ils à cœur-joie, les bons maraudeurs.
Barjeot, lui, ne jardinait pas. Semer des pommes de terre et lier des chicorées, « ça n’était pas son affaire ». Il avait d’autres occupations, comme on a vu plus haut. Régulièrement, avec une ponctualité militaire, il se ren-