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Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/177

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pompe, plus d’éclat, plus de malice que d’habitude leurs tentations différentes et répétées… Ce n’était pas de la joie — car la joie n’est jamais parmi les foules, surtout parmi les foules en fête, — c’était quelque chose de grave et de recueilli, de presque austère, dont on surprenait l’expression silencieuse dans les regards en arrêt devant les guirlandes de dentelles, les soies drapées, les écrins étincelants, les architectures de fruits confits et les petits cochons de lait, gras, roses, lisses, chanoinesques, mollement couchés, une rose au groin, sur un lit de feuillages et de gelées multicolores, précieusement ornementales… Et chacun, bras dessus, bras dessous, poursuivait un profond rêve intérieur, selon la dominante de sa sensualité…

Très élégante, très jolie, une femme descendit de sa voiture devant la boutique d’un confiseur. C’était une dame étrangère à la ville, mais fort connue d’elle, car elle venait, tous les ans, demander au climat de C… et à son existence tranquille une santé que Paris, avec ses hivers tourmentés et boueux, lui refusait. Riche et généreuse, propriétaire, sans ostentation, d’une villa dont les jardins étaient célèbres et où les pauvres savaient, aux heures de détresse, trouver un bon accueil, on l’aimait, ou plutôt on la respectait à cause de son luxe et des dépenses qu’elle faisait dans le pays… Mais