Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/181

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inquiète de cette agitation… Elle en demanda la raison… On l’acclama… quelques chapeaux, en signe de triomphe, dansèrent au bout des cannes levées.

— On l’a pris !… on l’a pris !

— On a pris qui ?… interrogea la dame.

— Le voleur !… le voleur !…

— Quel voleur ?

— Le voleur, parbleu !… le voleur !…

Mais le commissaire s’avançait, solennel, le chapeau à la main.

— Oui, madame !… dit-il, en s’inclinant très bas… On l’a pris !… Heureusement !… pour le bon renom de la ville !…

La dame, de plus en plus étonnée, répéta :

— On a pris qui ?

— Le voleur !…

— Quel voleur ?

— Le voleur qui a volé votre sac… Son affaire est certaine !…

— Oui, oui ! scanda la foule.

— C’est un mendiant… un homme en loques !

— Oui !… oui !…

— Il sera salé, je vous en réponds !…

— Bravo !… bravo !…

Et la dame vit alors le petit sac dans sa voiture, et le mendiant à la face décharnée, sur l’épaule de qui s’accrochait une main brutale d’agent de police.