Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/25

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par exemple ! Depuis si longtemps ! Ah ! ça me fait joliment du plaisir de vous voir.

Comme je ne répondais pas, cherchant dans mes souvenirs qui était cette vieille dame, elle me demanda presque timidement :

— Vous ne me reconnaissez pas ? dites ?… Mme  Piédanat… de la rue Oudinot… Vous savez bien…

Et, après un silence, elle ajouta :

— Je suis rudement changée, n’est-ce pas ?

Mme  Piédanat ! la femme du célèbre pianiste Piédanat ! Était-ce possible ! Mme  Piédanat, si grosse, si commune, avec ce panier, avec cet air gras et louche de marchande à la toilette ! Je demeurais stupide. Pourtant, je balbutiai quelques excuses.

— Ça ne fait rien ; ça ne fait rien, mon cher monsieur Henry, dit-elle. Vous n’êtes pas le seul, allez, des amis d’autrefois à qui ça arrive de ne pas me reconnaître… Tout de même, vrai, je suis bien contente.

Je ne savais que lui dire : je m’informai de sa santé.

— Ça ne va pas mal, comme vous voyez, me répondit-elle. Pour sûr, on a ses petits ennuis, comme tout le monde. Enfin, qu’est-ce que vous voulez !… Vous avez bien sûr appris la mort de mon mari… les journaux en ont