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Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/256

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je vous le demande, vis-à-vis de nos gens ?… Je vous prie de vous arranger de façon à ce que M. Lucet soit parti ce soir… ce soir !… Vous inventerez, vous prétexterez ce que vous voudrez… Mais, pour Dieu ! qu’il parte !… qu’il parte !…

Et comme soudain ma figure s’était attristée, Jeanne ajouta :

— Cela vous gêne ?… Eh bien ! c’est moi qui lui ferai comprendre… à ce goujat !

En effet, comme ce pauvre Pierre rentrait, les souliers pleins de boue, le chapeau tout dégouttant de pluie, ma femme, qui guettait son retour, l’apostropha :

— Vraiment, monsieur Lucet, vous auriez pu essuyer vos chaussures… et penser que mes tapis ne sont pas des garde-crotte !… Les domestiques n’ont affaire qu’après vous, ici !… Ma maison n’est pas une étable !…

— C’est peut-être le tort qu’elle a, répondit Pierre, de sa voix douce… Elle serait plus heureuse, mais j’ai compris… Paul est-il là ?

— Non, Paul est à la ville…

— C’est bien !… vous lui direz que je l’aime toujours, ce pauvre Paul !… Et quand il aura envie de pleurer, qu’il vienne chez moi !… Ça lui fera du bien…

J’étais derrière la porte du salon, quand se passait cette scène cruelle… Je n’avais qu’un