Page:Mirbeau - La Vache tachetée.djvu/139

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n’aurai pas la joie de voir fleurir ces fleurs que j’aime parmi toutes les fleurs, ces fleurs que créa ce suprême artiste, Victor Lemoine, et auxquelles il donna le visage des fées et les ailes des oiseaux magiques.

Avec de délicates précautions, pour ne point froisser l’ognon, Clément enfonce lentement, dans la terre, le tuteur et il attache ensuite la hampe fragile.

Chaque fois, il soupire comme un refrain de navrante romance :

— Des beaux glaïeuls comme ça !… Si ce n’est pas une calamité !… Oh ! oh ! oh !

J’approuve chaleureusement, en les répétant, ces exclamations désolées, et je demande :

— À quoi attribuez-vous cela, Clément ?

— J’attribue… j’attribue… fait Clément, en hochant la tête… Ma foi, monsieur, je n’en sais rien… Et il faut que le diable s’en mêle…

Puis ayant longuement considéré le sol, examiné les feuilles malades, gratté la terre au pied des tristes plantes, il dit :

— Ça n’est pas de la verrue… Ça n’est pas, non plus, du ver blanc… Si c’était du puceron ou du mildew, ça se verrait !… De plus, la terre est parfaitement bonne, elle est douce, elle est meuble, elle a toujours été fraîche !… Il y a un bon paillis, partout, bien sain, bien joli… C’est à ne pas croire !… Oh ! oh ! oh !