Page:Mirbeau - La Vache tachetée.djvu/140

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— Cependant, Clément, il y a une cause.

Clément se redresse, met, dans la poche de son tablier, sa serpette, pose ses mains à plat sur ses hanches, en écartant les coudes… et d’un ton grave, sévère, professoral :

— Si monsieur veut connaître mon opinion… Eh bien, je crois qu’il y a eu un contact… Voilà ce que je crois.

— Un contact, Clément ?

— Oui, Monsieur, un fort contact… Ça ne peut s’expliquer autrement…

— Clément, vous m’effrayez… Et quel est ce contact ?

Clément ne répond pas à ma question. Je vois à sa figure, à la disposition de ses gestes, à la manière dont il cale ses pieds sur la terre, entre les rangées de glaïeuls, qu’il va me conter une longue histoire. En effet, il s’essuie la bouche et commence ainsi :

— En 1854, monsieur…, oui c’est bien en 1854… j’étais jardinier-chef chez M. Quesnay… Vous avez peut-être connu M. Quesnay ?

— Non, Clément.

— Il avait fait sa fortune dans les cuirs… Ah ! le bon homme !… Ah ! le bon monde que c’était ! Tous les matins, M. Quesnay venait me voir au jardin, comme fait Monsieur… Seulement il avait une robe de chambre à carreaux verts, et une toque de velours. Et il me disait,