Page:Mirbeau - La Vache tachetée.djvu/21

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La route serpente, dans la bruyère fleurie, entre les pins et les chênes verts, côtoie des rochers tapissés de lichens bizarres et de petites plantes jaunes au parfum de vanille. Une femme qui ramasse des aiguilles de pin, pieds nus, la tête couverte d’un mouchoir à carreaux rouges, s’interrompt de travailler et vient vers nous, souriante et sans hâte.

— J’ai une villa, nous dit-elle, une belle villa… La villa des Glaïeuls… Il y a un piano… C’est la seule où il y a un piano.

— C’est à vous, cette villa ?

— Ah ! dame, non !

— Vous êtes chargée de la louer ?

— Ah ! dame, oui !… Il y a un piano… Et puis, tous les matins, je vous porterai des chevrettes.

— Nous verrons cela tantôt, ma brave femme !

— C’est ça !… J’ suis dans le bois, là, ou bien là… ou n’importe où… vous n’aurez qu’à m’appeler… Ah ! dame, oui !

Et elle se remet à ramasser ses aiguilles de pin du même mouvement purement doux, en souriant toujours.

Au bout de deux cents mètres, brusquement la route retourne vers la mer, dominant une plage de sable toute dorée. Là, une tente est dressée, sous laquelle des tables servies s’al-