Page:Mirbeau - La Vache tachetée.djvu/232

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— Compris ! fit l’ami en ricanant, avec une belle fille pour litière. Hé ! hé !…

Et il me quitta, car c’était un brave pochard, et discret !

Pourquoi ne pas avouer que j’allais à la Fontaine-au-Grand-Pierre ? En vérité, je n’en sais rien. Je ne sais pas encore la raison qui me poussa à faire ce mensonge. Je crois bien que les actes sont en nous avant qu’ils n’arrivent à notre conscience, et qu’ils nous guident malgré nous.

Depuis la scène de la lingerie, je n’avais pas reparlé à Marie ; je n’avais pas non plus reparlé au petit bossu. Quand je les rencontrais dans la rue, ou sur le pas de leurs portes, j’affectais de ne pas les voir. Même, une fois que Marie était venue à la maison, et qu’elle m’avait trouvé seul, encore, nous n’avions pas échangé une parole, sur l’affaire. Et Marie m’avait dit, en partant, avec un sourire gentil qui me traversa le cœur comme un coup de couteau :

— Ah ! vous êtes plus raisonnable, monsieur Georges !… C’est bien, ça !…

— Oui, oui, avais-je répliqué, en me mordant les lèvres, je suis plus raisonnable. J’étais fou de penser à ça. Maintenant, je n’y penserai plus.

— Si vous n’y pensez plus, eh bien !… nous pourrons causer ensemble, comme autrefois.