Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/199

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ques, faites pour tripoter de sales choses, se plaquaient sur le corps de Juliette avec amour. Elle était heureuse, ne répondait plus aux observations vives, aux reproches blessants, et ses yeux, allumés d’une flamme de vice canaille, s’attachaient sur moi, obstinément ironiques. Ce n’est qu’en public, à l’éclat des lumières, sous le feu croisé des regards d’homme, que Juliette retrouvait son sourire, et l’expression de joie un peu étonnée et candide qu’elle conservait jusque dans ces milieux répugnants de la débauche. Et nous venions, en ce cabaret, avec Gabrielle, avec Jesselin, avec des gens rencontrés on ne sait où, présentés on ne sait par qui, des imbéciles, des escrocs, des princes, toute une chiennerie internationale et boulevardière que nous traînions à nos trousses. On disait généralement : « La bande Mintié ».

— Que faites-vous ce soir ?

— Je vais avec la bande Mintié.

Jesselin nous donnait des renseignements sur le personnel de l’endroit ; il n’ignorait rien des dessous de la vie galante ; il en parlait, d’ailleurs, avec une sorte d’admiration, en dépit de tous les détails honteux ou tragiques qu’il nous révélait.

« Cet homme très entouré et qu’on écoute respectueusement ?… Il avait été valet de chambre. Son maître le chassa, pour vol. Mais il se fit croupier, exploita tous les bouges clandestins, devint caissier de cercle, puis, habilement, pendant quelques années, disparut. Aujourd’hui, il possédait des intérêts dans