Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/232

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convenue entre nous… Elle se déshabille, et je crois qu’elle éprouve une joie sinistre à me montrer ses jupons mal rattachés, son corset délacé, tout le désordre de sa toilette froissée, de ses dessous défaits qui tombent autour d’elle, s’étalent, emplissant la chambre de l’odeur des autres !… Des rages me secouent, et je voudrais la mordre ; des colères s’allument, grondent, et je voudrais la tuer… et je ne dis rien !… Souvent, même, je m’approche pour l’embrasser… mais elle me repousse : « Non, laisse-moi, je suis éreintée ! » Dans les commencements de cette abominable existence, je l’ai battue… car il ne me manque rien, et toutes les hontes, Lirat, je les ai épuisées, — oui, je l’ai battue !… Elle courbait le dos… à peine si elle se plaignait… Un soir, je lui sautai à la gorge, je la renversai sous moi… Oh ! j’étais bien décidé à en finir… Pendant que je lui serrais le cou, dans la crainte d’être attendri, je détournais la tête, fixais obstinément une fleur du tapis, et, pour ne rien entendre, ni une plainte, ni un râle, je hurlais des mots sans suite comme un possédé… Combien de temps suis-je resté ainsi ?… Bientôt elle ne se débattit plus… ses muscles contractés se détendirent… je sentis, sous mes doigts, sa vie s’étouffer… encore quelques frissons… puis rien… elle ne bougeait plus… et tout à coup, j’aperçus son visage violet, ses yeux convulsés, sa bouche ouverte, toute grande, son corps rigide, ses bras inertes… Ainsi qu’un fou, je me précipitai dans toutes les pièces de l’appartement, appelant les do-