Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/283

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l’ordre, ta petite femme… Et puis, tous les jours, je te porterai une fleur qui sent bon… Allons ne sois pas triste… Dis-toi bien que je t’aime, que je n’aime que toi, que je viendrai souvent… Ah ! tes caleçons que j’ai oubliés !… Je te les enverrai par Célestine, avec ma photographie dans le beau cadre en peluche rouge… Ne t’ennuie pas, pauvre mignon !… Tu sais, si ce soir, à minuit et demi, je ne suis pas là, ne m’attends pas… Couche-toi… Dors bien… Tu me promets ?

Et jetant un dernier coup d’œil sur la chambre, elle était partie.

Tous les jours, en effet, Juliette revenait, en allant au Bois, et en rentrant chez elle, avant le dîner. Elle ne restait que deux minutes, fiévreuse, agitée par une hâte d’être dehors ; le temps de m’embrasser, le temps d’ouvrir l’armoire, pour se rendre compte si les choses étaient dans le même ordre.

— Allons ! je m’en vais… Ne sois pas triste… je vois que tu as encore pleuré… Ça n’est pas gentil ! Pourquoi me faire de la peine ?

— Juliette ! te verrai-je ce soir ?… Oh ! je t’en prie, ce soir !

— Ce soir ?

Elle réfléchissait un instant.

— Ce soir, oui, mon chéri… Enfin, ne m’attends pas trop… Couche-toi… Dors bien… Surtout, ne pleure pas… Tu me désespères !… Vraiment, on ne sait comment être avec toi !