Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/294

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exaspéré par l’attente, souvent, je la traitais durement.

— Où as-tu été ? dans quels bouges t’es-tu traînée ?… Dis, dans quels bouges ?

— Oh ! si c’est une scène, merci !… Je m’en vais… Bonsoir !… Moi qui ai eu toutes les peines du monde à me rendre libre, pour te retrouver ?

Alors, tendant les poings, tous les muscles crispés, je hurlais :

— Eh bien, va-t’en !… Va-t’en au diable !… Et ne reviens jamais, jamais !

La porte à peine refermée sur Juliette, je courais après elle.

— Juliette ! Juliette !

Elle descendait l’escalier.

— Juliette !… remonte, je t’en prie !… Juliette… attends, je vais avec toi.

Elle descendait toujours sans détourner la tête. Je la rattrapais.

Près d’elle, près de cette robe, de ces plumes, de ces fleurs, de ces bijoux, la fureur me reprenait.

— Allons, remonte, ou je te casse la tête sur ces marches.

Et, dans la chambre, je tombais à ses pieds.

— Oui, ma petite Juliette, j’ai tort, j’ai tort… Mais je souffre tant !… Aie un peu pitié de moi !… Si tu savais dans quel enfer je vis !… Si tu pouvais, avec tes mains, écarter les cloisons de ma poitrine et voir ce qu’il y a dans mon cœur !… Juliette !… Ah ! je ne peux plus, je ne peux plus vivre comme ça !… Une bête