Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/110

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Elle était douce, la mer, calme et radieuse… Elle exhalait une odeur de rivage heureux, de verger fleuri, de lit d’amour, qui me fit pleurer…

Le pont s’animait ; rien que des physionomies joyeuses, des regards distendus par l’attente et par la curiosité.

— Nous entrons dans la baie… nous sommes dans la baie !…

— Je vois la côte.

— Je vois les arbres.

— Je vois le phare.

— Nous sommes arrivés… nous sommes arrivés !… Chacune de ces exclamations me tombait lourdement sur le cœur… Je ne voulus pas avoir devant moi cette vision de l’île encore lointaine mais si implacablement nette et dont chaque tour d’hélice me rapprochait, et, me détournant d’elle, je contemplai l’infini du ciel où je souhaitai me perdre, ainsi que ces oiseaux, là-bas, là-haut, qui passaient, un instant, dans l’air, et s’y fondaient si doucement.

Clara ne tarda pas à me rejoindre… Était-ce d’avoir trop aimé ?… Était-ce d’avoir trop pleuré ? Ses paupières étaient toutes meur-