Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/112

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j’aurais voulu glisser au néant… Elle était émue, très pâle… sauf la bouche qui me semblait plus rouge et lourde de baisers… Longtemps, ses yeux m’interrogèrent avec une pesante fixité.

— Le bateau relâche deux jours à Colombo… Et puis, il repartira… le savez-vous ?

— Oui !… Oui !…

— Et puis ?…

— Et puis… c’est fini !

— Puis-je quelque chose pour vous ?

— Rien… merci ! puisque c’est fini !…

Et comprimant mes sanglots au fond de ma gorge, je bégayai :

— Vous avez été tout, pour moi… vous avez été, pour moi, plus que tout !… Ne me parlez plus, je vous en conjure !… C’est trop douloureux… trop inutilement douloureux. Ne me parlez plus… puisque, maintenant, tout est fini !…

— Rien n’est jamais fini, prononça Clara… rien, pas même la mort !…

Une cloche sonna… Ah ! cette cloche !… Comme elle sonna dans mon cœur !… Comme elle sonna le glas de mon cœur !…

Les passagers s’empressaient sur le pont,