Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le ministre souriait. Il me tapota les genoux, familièrement, et me dit :

— Je suis tout disposé — mais tu ne me laisses pas parler — je suis tout disposé à t’accorder une compensation…

— Une ré-pa-ra-tion !

— Une réparation, soit !

— Complète ?

— Complète !… Reviens dans quelques jours… Je serai, sans doute, à même de te l’offrir. En attendant, voici cent louis… C’est tout ce qui me reste des fonds-secrets…

Il ajouta, gentiment, avec une gaieté cordiale :

— Une demi-douzaine de gaillards comme toi… et il n’y a plus de budget !…

Cette libéralité, que je n’espérais pas si importante, eut le pouvoir de calmer instantanément mes nerfs… J’empochai — en grognant encore, toutefois, car je ne voulais pas me montrer désarmé, ni satisfait — les deux billets que me tendait, en souriant, mon ami… et je me retirai dignement…

Les trois jours qui suivirent, je les passai dans les plus basses débauches…