Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/155

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aux charognes, comme si c’eût été des fleurs.

— Clara, chère Clara ! implorai-je… Partons d’ici, je vous en prie !

— Oh ! comme vous êtes pâle ! Et pourquoi ?… N’est-ce donc pas très amusant ?…

— Clara… chère Clara !… insistai-je… Partons d’ici, je vous en supplie !… Il m’est impossible de supporter plus longtemps cette odeur.

— Mais cela ne sent pas mauvais, mon amour… Cela sent la mort, voilà tout !…

Elle ne semblait pas incommodée… Aucune grimace de dégoût ne plissait sa peau blanche, aussi fraîche qu’une fleur de cerisier. Par l’ardeur voilée de ses yeux, par le battement de ses narines, on eût dit qu’elle éprouvait une jouissance d’amour… Elle humait la pourriture, avec délices, comme un parfum.

— Oh ! le beau… beau morceau !…

Avec des gestes gracieux, elle emplit le panier de l’immonde débris. Et, péniblement, à travers la foule surexcitée, parmi les abominables odeurs, nous continuâmes notre route.

— Vite !… vite !…