Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/186

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glante était collée derrière les barreaux et nous regardait fixement, presque orgueilleusement… Un lambeau de viande coulait de ses lèvres, parmi des filaments de bave pourprée. Sa poitrine haletait.

Clara applaudit, et sa voix tremblait encore.

— C’est lui !… C’est mon poète !… C’est le plus fort !…

Elle lui jeta toute la viande du panier, et, la gorge serrée :

— J’étouffe un peu, dit-elle… Et toi aussi, tu es tout pâle, mon amour… Allons respirer un peu d’air au Jardin des supplices…

De légères gouttes de sueur perlaient à son front. Elle les essuya, et, se tournant vers le poète, elle dit, en accompagnant ses paroles d’un menu geste de sa main dégantée :

— Je suis contente que tu aies été le plus fort, aujourd’hui !… Mange !… mange !… Je reviendrai te voir… Adieu.

Elle congédia le boy, devenu inutile. Nous suivîmes le milieu du couloir d’un pas pressé, malgré l’encombrement de la foule, évitant de regarder à droite et à gauche.

La cloche sonnait toujours… Mais ses vi-