Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/185

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griffes… et des faces tordues s’arrachant la viande !… Et je ne vis plus rien… Et j’entendis les bruits de luttes, au fond de la cage, des poitrines haletantes et sifflantes, des souffles rauques, des chutes de corps, des piétinements de chair, des craquements d’os, des chocs mous de tuerie… des râles !… De temps en temps, au-dessus du volet, une face apparaissait, la proie aux dents, et disparaissait… Des abois encore… des râles toujours… et presque le silence… puis rien !…

Clara s’était collée contre moi, toute frémissante.

— Ah ! mon chéri !… mon chéri !…

Je lui criai :

— Jette-leur donc toute la viande… Tu vois bien qu’ils se tuent !

Elle m’étreignait, m’enlaçait.

— Embrasse-moi. Caresse-moi… C’est horrible !… c’est trop horrible !…

Et, se haussant jusqu’à mes lèvres, elle me dit, dans un baiser féroce :

— On n’entend plus rien… Ils sont morts !… Crois-tu donc qu’ils soient tous morts ?…

Quand nous relevâmes les yeux vers la cage, une Face pâle, décharnée et toute san-