Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/196

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issant d’entre les pierres, avec leurs fleurs graciles, remuantes et voletantes comme des insectes ; hémerocalles oranges offrant aux sphinx leur calice d’un jour, œnothères blancs, leur coupe d’une heure ; opuntias charnus, éomecons, morées, et des nappes, des coulées, des ruissellements de primevères, ces primevères de la Chine, si abondamment polymorphes et dont nous n’avons, dans nos serres, que des images appauvries ; et tant de formes charmantes et bizarres, et tant de couleurs fondues !… Et tout autour des kiosques, entre des fuites de pelouses, dans des perspectives frissonnantes, c’est comme une pluie rose, mauve, blanche, un fourmillement nuancé, une palpitation nacrée, carnée, lactée, et si tendre et si changeante qu’il est impossible d’en rendre avec des mots la douceur infinie, la poésie inexprimablement édénique.


Comment avions-nous été transportés là ?… Je n’en savais rien… Sous la poussée de Clara, une porte, soudain, s’était ouverte dans le mur du sombre couloir. Et, soudain, comme sous la baguette d’une fée, ç’avait été en moi une irruption de clarté céleste