Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beauté… Dans cette Inde agonisante et toujours mystérieuse, à chaque pas que l’on fait sur le sol ancestral, les traces de cette double barbarie européenne demeurent… Les boulevards de Calcutta, les fraîches villas himalayennes de Dardjilling, les tribades de Benarès, les fastueux hôtels des traitants de Bombay n’ont pu effacer l’impression de deuil et de mort que laissent partout l’atrocité du massacre sans art, et le vandalisme et la destruction bête… Ils l’accentuent, au contraire… En n’importe quels endroits où elle parut, la civilisation montre cette face gémellée de sang stérile et de ruines à jamais mortes… Elle peut dire comme Attila : « L’herbe ne croît plus où mon cheval a passé. »… Regarde ici, devant toi, autour de toi… Il n’est pas un grain de sable qui n’ait été baigné de sang… et ce grain de sable lui-même, qu’est-il sinon de la poussière de mort ?… Mais comme ce sang est généreux et féconde cette poussière !… Regarde… l’herbe est grasse… les fleurs pullulent… et l’amour est partout !…

Le visage de Clara s’était ennobli… Une mélancolie très douce atténuait la barre