Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/226

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dans la trousse qu’il referma. La boîte en était charmante et d’un laque admirable : un vol d’oies sauvages, au-dessus d’un étang nocturne où la lune argentait les lotus et les iris.

À ce moment, l’ombre du gibet mit sur le corps du tourmenteur une barre transversale et violacée.

— Voyez-vous, milady, continua le bavard bonhomme, notre métier, de même que nos belles potiches, nos belles soies brodées, nos beaux laques, se perd de plus en plus… Nous ne savons plus, aujourd’hui, ce que c’est réellement que le supplice… Bien que je m’efforce à en conserver les traditions véritables… je suis débordé… et je ne puis, à moi tout seul, arrêter sa décadence… Que voulez-vous ? Les bourreaux, on les recrute, maintenant, on ne sait où !… Plus d’examens, plus de concours… C’est la faveur seule, la protection qui décident des choix… Et quels choix, si vous saviez !… C’est honteux !… Autrefois on ne confiait ces importantes fonctions qu’à d’authentiques savants, à des gens de mérite, qui connaissaient parfaitement l’anatomie du corps humain, qui avaient des diplômes, de l’expérience, ou du génie na-