Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/242

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d’une seule femelle !… Hé !… hé !… hé !… Quelquefois, c’est le contraire !…

Un à un, il arracha les pétales de la fleur :

— Et quand elles sont gorgées d’amour, voilà que les rideaux du lit se déchirent… que se dissolvent et tombent les draperies de la chambre… Et les fleurs meurent… parce qu’elles savent bien qu’elles n’ont plus rien à faire… Elles meurent, pour renaître plus tard, et encore, à l’amour !…

Jetant loin de lui le pédoncule dénudé, il clama :

— Faites l’amour, milady… faites l’amour… comme les fleurs !…

Puis, brusquement, il reprit sa trousse, se leva, sa natte de travers, et, nous ayant salués, il s’en alla, par les pelouses, foulant, de son corps pesant et balancé, le gazon tout fleuri de scilles, de doronies et de narcisses.

Clara le suivit du regard quelques instants, et, comme nous nous remettions à marcher vers la cloche :

— Est-il drôle, le gros patapouf ! dit-elle… Il a l’air bon enfant…

Je m’écriai stupidement :

— Comment pouvez-vous supposer une