Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/263

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daient encore, à leurs pointes, d’immondes débris humains. Nous vîmes encore des enfants tuer à coups de bâton des rats dont ils emplissaient des paniers. Et le long des palissades, affamés et féroces, traînant l’impériale splendeur de leur manteau dans la boue sanglante, des paons, des troupeaux de paons piquaient de leur bec le sang jailli au cœur des fleurs, et, avec des gloussements carnassiers, happaient les lambeaux de chair collés au feuillage.

Une odeur fade d’abattoir, qui persistait par-dessus toutes les autres odeurs et les dominait, nous retourna le cœur et nous fit monter à la gorge d’impérieuses nausées. Clara, elle-même, fée des charniers, ange des décompositions et des pourritures, moins soutenue par ses nerfs, peut-être, avait légèrement pâli… La sueur perlait à ses tempes… Je vis se révulser ses yeux et faiblir ses jambes.

— J’ai froid ! dit-elle.

Elle eut vers moi un regard de véritable détresse. Ses narines, toujours gonflées comme des voiles au vent de la mort, s’étaient amincies… Je crus qu’elle allait défaillir…