Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/278

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tuer, et vous jeter ensuite au charnier, charogne !

Malgré mon exaltation, j’eus peur de mes propres paroles… Mais, pour les rendre, enfin, irrémédiables, je répétai, en lui meurtrissant le bras de mes mains forcenées :

— Charogne !… charogne !… charogne !

Clara n’eut pas un mouvement de recul, pas même un mouvement des paupières… Elle avança sa gorge, offrit sa poitrine… Son visage s’illumina d’une joie inconnue et resplendissante… Simplement, lentement, avec une douceur infinie, elle dit :

— Eh bien !… tue-moi, chéri… J’aimerais être tuée par toi, cher petit cœur !…

Ç’avait été un éclair de révolte dans la longue et douloureuse passivité de ma soumission… Il s’éteignit aussi vite qu’il s’était allumé… Honteux du cri injurieusement ignoble que je venais de proférer, je lâchai le bras de Clara… et toute ma colère, due à une excitation nerveuse, fondit subitement dans un grand accablement.

— Ah ! tu vois… fit Clara, qui ne voulut pas profiter davantage de ma piteuse défaite et de son trop facile triomphe… tu n’as