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Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/293

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demande, non sans effroi… N’est-elle point née de mes débauches et de ma fièvre ?… N’est-elle point une de ces impossibles images, comme en enfante le cauchemar ?… Une de ces tentations de crime comme la luxure en fait lever dans l’imagination de ces malades que sont les assassins et les fous ?… Ne serait-elle pas autre chose que mon âme, sortie hors de moi, malgré moi, et matérialisée sous la forme du péché ?…

Mais non… Je la touche. Ma main a reconnu les réalités admirables, les réalités vivantes de son corps… À travers la mince et soyeuse étoffe qui la recouvre, sa peau a brûlé mes doigts… Et Clara n’a pas frémi à leur contact ; elle ne s’est point pâmée, comme tant de fois, à leur caresse. Je la désire et je la hais… Je voudrais la prendre dans mes bras et l’étreindre jusqu’à l’étouffer, jusqu’à la broyer, jusqu’à boire la mort — sa mort — à ses veines ouvertes. Je crie d’une voix, tour à tour menaçante et soumise :

— Clara !… Clara !… Clara !

Clara ne répond pas, ne bouge pas… Elle regarde toujours l’eau qui, de plus en plus, s’assombrit ; mais je crois en vérité qu’elle ne