Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/30

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nœuvres, il sut toujours éviter, en les tournant, les flaques fétides et bourbeuses de la police correctionnelle où tant d’autres s’enlisèrent si maladroitement. Il est vrai que mon aide — soit dit sans fatuité — ne lui fut pas inutile, en bien des circonstances.

C’était, du reste, un charmant garçon, oui, en vérité, un charmant garçon. On ne pouvait lui reprocher que des gaucheries dans le maintien, persistants vestiges de son éducation de province, et des détails vulgaires dans sa trop récente élégance qui s’affichait mal à propos. Mais tout cela n’était qu’une apparence dissimulant mieux, aux observateurs insuffisants, tout ce que son esprit avait de ressources subtiles, de flair pénétrant, de souplesse retorse, tout ce que son âme contenait de ténacité âpre et terrible. Pour surprendre son âme, il eût fallu voir — comme je les vis, hélas ! combien de fois ? — les deux plis qui, à de certaines minutes, en se débandant, laissaient tomber les deux coins de ses lèvres et donnaient à sa bouche une expression épouvantable… Ah ! oui, c’était un charmant garçon !

Par des duels appropriés, il fit taire la malveillance qui va chuchotant autour des