Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/301

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sous ses petits pieds, et j’écoute le bruit du sable qui est comme un cri de désir, et comme un baiser, et où je distingue, nettement rythmé, ce nom qui est partout, qui était au craquement des potences, au râle des agonisants, et qui emplit maintenant, de son obsession exquise et funèbre, tout le crépuscule :

— Clara !… Clara !… Clara !…

Pour le mieux entendre, le gecko s’est tu… Tout s’est tu…


Le crépuscule est adorable, d’une douceur infinie, d’une fraîcheur caressante qui donne de l’ivresse… Nous marchons dans les parfums… Nous frôlons des fleurs merveilleuses, plus merveilleuses d’être à peine visibles, et qui s’inclinent et qui nous saluent sur notre passage comme de mystérieuses fées. Plus rien ne reste de l’horreur du jardin ; sa beauté seule demeure, frémit et s’exalte avec la nuit qui tombe, de plus en plus délicieuse, sur nous.

Je me suis ressaisi… Il me semble que ma fièvre s’en est allée… Mes membres deviennent plus légers, plus élastiques, plus forts… À mesure que je marche, ma fa-