Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/313

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bras, Clara qui n’opposait pas plus de résistance qu’une morte et, la soutenant, la portant plutôt, nous la fîmes à grand-peine sortir de la barque et monter l’escalier. Elle était lourde et glacée… Sa tête se renversait un peu en arrière ; ses cheveux entièrement dénoués, ses épais et souples cheveux ruisselaient sur ses épaules en ondes de feu. S’accrochant d’une main molle, presque défaillante, au cou rude de Ki-Paï, elle poussait de petites plaintes vagues, lâchait de petits mots inarticulés, ainsi qu’un enfant… Et moi, un peu haletant, sous le poids de mon amie, je gémissais :

— Pourvu qu’elle ne meure pas, mon Dieu !… pourvu qu’elle ne meure pas !

Et Ki-Paï ricanait, la bouche féroce :

— Mourir !… Elle !… Ah bien oui !… Ce n’est pas de la souffrance qui est dans son corps… c’est de la saleté !…


Nous fûmes reçus, en haut de l’escalier, par deux femmes, aux yeux peints, et dont la nudité dorée transparaissait, toute, dans les voiles légers, vaporeux, dont elles étaient drapées. Elles avaient des bijoux obscènes dans les cheveux, des bijoux aux poignets et