Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/312

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fer, devant un escalier qui trempait, dans l’eau, ses marches rouges. Deux énormes lanternes rondes brillaient en haut de deux mâts, où flottaient des banderoles jaunes.

— Où sommes-nous ?… demandai-je.

— Nous sommes là où elle m’a donné l’ordre de vous conduire, répondit Ki-Paï, d’un ton bourru. Nous sommes là où elle vient passer la nuit, quand elle rentre de là-bas…

Je proposai :

— Ne vaudrait-il pas mieux la ramener chez elle, dans l’état de souffrance où elle est ?

Ki-Paï répliqua :

— Elle est toujours ainsi, après le bagne… Et puis, la ville est fermée, et pour gagner le palais, par les jardins, c’est trop loin, maintenant… et trop dangereux.

Et elle ajouta, méprisante :

— Elle est très bien ici… Ici, on la connaît !…

Je me résignai.

— Aide-moi, alors, commandai-je… Et ne sois pas brusque avec elle.

Très doucement, avec des précautions infinies, Ki-Paï et moi, nous saisîmes, dans nos