Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/318

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de ces femmes demanda, en nous regardant passer :

— Qu’est-ce qui est mort ?

L’autre répondit :

— Mais non !… Personne n’est mort… Tu vois bien que c’est la femme du Jardin des supplices…

Et le nom de Clara, chuchoté de lèvres en lèvres, de lit en lit, de chambre en chambre, emplit bientôt le bateau de fleurs comme une obscénité merveilleuse. Il me sembla même que les monstres de métal le répétaient dans leurs spasmes, le hurlaient dans leurs délires de luxure sanglante.

— Clara ! Clara ! Clara !…

Ici, j’entrevis un jeune homme étendu sur un lit. La petite lampe d’une fumerie d’opium brûlait, à portée de sa main. Il y avait dans ses yeux, étrangement dilatés, comme de l’extase douloureuse… Devant lui, bouche à bouche, ventre à ventre, des femmes nues, se pénétrant l’une l’autre, dansaient des danses sacrées, tandis que, accroupis derrière un paravent, des musiciens, soufflaient dans de courtes flûtes… Là, d’autres femmes assises en rond ou couchées sur la natte du plancher, dans des poses obscènes,