Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/322

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qui souillaient davantage l’âme endormie de mon amie, j’éprouvais, en plus de l’horreur, une accablante honte… J’eus beaucoup de peine à éloigner les femmes, curieuses et bavardes, qui nous avaient suivis, non seulement du lit où nous avions étendu Clara, mais encore de la chambre, où je voulais rester seul… Je ne gardai avec moi que Ki-Paï, laquelle, malgré ses airs bourrus et ses rudes paroles, se montrait très dévouée à sa maîtresse et mettait une grande délicatesse et une adresse précieuse, dans les soins qu’elle prenait d’elle.

Le pouls de Clara battait toujours avec la même régularité rassurante, comme si elle eût été en pleine vigueur de santé. Pas une minute, la vie n’avait cessé d’habiter cette chair qui semblait à jamais morte. Et tous les deux, Ki-Paï et moi, nous étions penchés, anxieusement, sur sa résurrection…

Tout à coup, elle poussa une plainte ; les muscles de son visage se crispèrent, et de légères secousses nerveuses agitèrent sa gorge, ses bras et ses jambes. Ki-Paï dit :

— Elle va avoir une crise terrible. Il faut la maintenir vigoureusement et prendre bien garde qu’elle ne se déchire la figure