Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/328

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duira, avec ma maîtresse, sur le fleuve. Et si vous êtes parti, un autre que vous accompagnera ma maîtresse sur le fleuve… Et il n’y aura rien de changé…

— Ki-Paï… Ki-Paï… pourquoi dis-tu cela ?… Encore une fois, regarde-la dormir… Tu ne sais pas ce que tu dis !…

— Chut ! fit-elle en posant un doigt sur sa bouche. Ne parlez pas si haut… Ne vous remuez pas si fort… Ne la réveillez pas… Au moins, quand elle dort, elle ne fait point de mal, ni aux autres, ni à elle-même !…

Marchant avec précaution, sur la pointe de ses pieds, ainsi qu’une garde-malade, elle se dirigea vers la porte qu’elle ouvrit.

— Allez-vous-en !… allez-vous-en !

C’était la voix de Ki-Paï, impérieuse parmi les voix bourdonnantes des femmes…

Et je vis des yeux peints, des visages fardés, des bouches rouges, des seins tatoués, des bouches sur des seins… et j’entendis des cris, des râles, des danses, des sons de flûte, des résonances de métal et ce nom qui courait, haletait, de lèvres en lèvres, et secouait, comme un spasme, tout le bateau de fleurs :

— Clara !… Clara !… Clara !