Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/327

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Et elle s’endormit, contre moi, d’un sommeil calme, lumineux et lointain, et profond, comme un grand et doux lac, sous la lune d’une nuit d’été.

Ki-Paï se leva doucement, sans bruit.

— Je m’en vais ! dit-elle… je m’en vais dormir dans le sampang… Demain matin, quand l’aube viendra, vous ramènerez ma maîtresse au palais… Et ce sera à recommencer !… Ce sera toujours à recommencer !

— Ne dis pas cela, Ki-Paï, suppliai-je… Et regarde-la dormir contre moi, regarde-la dormir d’un si calme et si pur sommeil, contre moi !…

La Chinoise hocha sa tête grimaçante, et elle murmura, avec des yeux tristes, où la pitié maintenant remplaçait le dégoût :

— Je la regarde dormir contre vous et je vous dis… Dans huit jours, je vous conduirai comme ce soir, tous les deux, sur le fleuve, rentrant du Jardin des supplices… Et, dans huit années encore, je vous conduirai pareillement sur le fleuve, si vous n’êtes pas parti et si je ne suis pas morte !

Elle ajouta :

— Et si je suis morte, une autre vous con-