Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/90

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vions dans un village de nègres… ceux-ci étaient fort effrayés !… Ils poussaient aussitôt des cris de détresse, ne cherchaient pas à fuir, tant ils avaient peur, et pleuraient la face contre terre. On leur distribuait de l’eau-de-vie, car nous avons toujours, dans nos bagages, de fortes provisions d’alcool… et, lorsqu’ils étaient ivres, nous les assommions !…

— Un sale coup de fusil ! résuma, non sans dégoût, le gentilhomme normand, qui, sans doute, à cette minute, revoyait dans les forêts du Tonkin passer et repasser le vol merveilleux des paons…

La nuit se poursuivait dans l’éblouissement ; le ciel était en feu : autour de nous, l’océan balançait de grandes nappes de lumière phosphorescente… Et j’étais triste, triste de Clara, triste de ces hommes grossiers, et de moi-même, et de nos paroles, qui offensaient le silence et la Beauté !

Tout à coup :

— Connaissez-vous Stanley ? demanda Clara à l’explorateur.

— Certainement, oui… je le connais, répondit celui-ci.

— Et que pensez-vous de lui ?