Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/120

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n’y a pas, dans le monde, un homme qui ait mangé autant de choses que moi… Je mange de tout…

La promenade terminée, nous revînmes nous asseoir sous l’acacia. Et je me disposais à prendre congé, quand le capitaine s’écria :

— Ah !… il faut que je vous montre quelque chose de curieux et que vous n’avez, bien sûr, jamais vu…

Et il appela d’une voix retentissante :

— Kléber !… Kléber !…

Entre deux appels, il m’expliqua :

— Kléber… c’est mon furet… Un phénomène…

Et il appela encore :

— Kléber !… Kléber !…

Alors, sur une branche, au-dessus de nous, entre des feuilles vertes et dorées, apparurent un museau rose et deux petits yeux noirs, très vifs, joliment éveillés.

— Ah !… je savais bien qu’il n’était pas loin… Allons, viens ici, Kléber !… Psstt !…

L’animal rampa sur la branche, s’aventura sur le tronc, descendit avec prudence, en enfonçant ses griffes dans l’écorce. Son corps, tout en fourrure blanche, marqué de taches fauves, avait des mouvements souples, des ondulations gracieuses de serpent… Il toucha terre, et, en deux bonds, il fut sur les genoux du capitaine qui se mit à le caresser, tout joyeux.