Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et si tu ne peux pas, eh bien, crève avec ton enfant… Cela ne le regarde pas…

Leur maison !… Ah ! vrai !…


Rue Lincoln, par exemple, ça se passait le vendredi, régulièrement. Il ne pouvait pas y avoir d’erreur là-dessus.

Le vendredi était le jour de Madame. Il venait beaucoup de monde, des femmes et des femmes, jacasses, évaporées, effrontées, maquillées, Dieu sait !… Du monde très chouette, enfin… Probable qu’elles devaient dire, entre elles, pas mal de saletés et que cela excitait Madame… Et puis, le soir, c’était l’Opéra et ce qui s’en suit… Que ce fût ceci, ou cela ou bien autre chose, le certain c’est que, tous les vendredis… allez-y donc !…

Si c’était le jour de Madame, on peut dire que c’était la nuit de Monsieur, la nuit de Coco… Et quelle nuit !… Il fallait voir, le lendemain, le cabinet de toilette, la chambre, le désordre des meubles, des linges partout, l’eau des cuvettes répandue sur les tapis… Et l’odeur violente de tout cela, une odeur de peau humaine, mêlée à des parfums… à des parfums qui sentaient bon, quoique ça !… Dans le cabinet de toilette de Madame, une grande glace tenait toute la hauteur du mur jusqu’au plafond… Souvent, devant la glace, il y avait des piles de coussins effondrés, foulés, écrasés, et, de chaque côté, de hauts candélabres, dont les bougies disparues avaient coulé