Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/150

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visiblement à un plus complet, à un plus tyrannique examen…

Madame — ah ! je la vois encore — prit, dans son petit sac, le trousseau de clefs et ouvrit la malle… Le douanier, avec une joie haineuse, renifla l’odeur exquise qui s’en échappait, et, aussitôt, il se mit à fouiller, de ses pattes noires et maladroites, parmi les lingeries fines et les robes… Madame était furieuse, poussait des cris, d’autant que l’animal bousculait, froissait avec une malveillance évidente tout ce que nous avions rangé si précieusement…

La visite allait se terminer sans plus d’encombres, quand le gabelou, exhibant du fond de la malle un long écrin de velours rouge, questionna :

— Et ça ?… Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Des bijoux… répondit Madame avec assurance, sans le moindre trouble.

— Ouvrez-le…

— Je vous dis que ce sont des bijoux. À quoi bon ?

— Ouvrez-le…

— Non… Je ne l’ouvrirai pas… C’est un abus de pouvoir… Je vous dis que je ne l’ouvrirai pas… D’ailleurs, je n’ai pas la clé…

Madame était dans un état d’extraordinaire agitation. Elle voulut arracher l’écrin litigieux des mains du douanier qui, se reculant, menaça :

— Si vous ne voulez pas ouvrir cet écrin, je vais aller chercher l’inspecteur…