Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/163

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est pour le sabre, pour les curés et contre les juifs… dont elle ne sait rien d’ailleurs, sinon qu’il leur manque quelque chose, quelque part.

Et moi aussi, bien sûr, je suis pour l’armée, pour la patrie, pour la religion et contre les juifs… Qui donc, parmi nous, les gens de maison, du plus petit au plus grand, ne professe pas ces chouettes doctrines ?… On peut dire tout ce qu’on voudra des domestiques… ils ont bien des défauts, c’est possible… mais ce qu’on ne peut pas leur refuser, c’est d’être patriotes… Ainsi, moi, la politique, ce n’est pas mon genre et elle m’assomme… Eh bien, huit jours avant de partir pour ici, j’ai carrément refusé de servir, comme femme de chambre, chez Labori… Et toutes les camarades qui, ce jour-là, étaient au bureau, ont refusé aussi :

— Chez ce salaud-là ?… Ah ! non alors ! Ça, jamais !…

Pourtant, lorsque je m’interroge sérieusement, je ne sais pas pourquoi je suis contre les juifs, car j’ai servi chez eux, autrefois, du temps où on pouvait le faire encore avec dignité… Au fond, je trouve que les juives et les catholiques, c’est tout un… Elles sont aussi vicieuses, ont d’aussi sales caractères, d’aussi vilaines âmes les unes que les autres… Tout cela, voyez-vous, c’est le même monde, et la différence de religion n’y est pour rien… Peut-être, les juives font-elles plus de piaffe, plus d’esbrouffe… peut-être, font-elles