Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/169

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tousse, éternue, s’ébroue, se cogne aux meubles, renverse des objets, tâche d’attirer, d’une façon stupide, mon attention… C’est à se tordre… Je fais semblant de ne rien entendre, de ne rien comprendre à ses singeries puériles, et je m’en vais, silencieuse, hautaine, sans plus le regarder que s’il n’était pas là…

Hier soir, cependant, nous avons échangé les courtes paroles que voici :

— Célestine !…

— Monsieur désire quelque chose ?…

— Célestine !… Vous êtes méchante avec moi… Pourquoi êtes-vous méchante avec moi ?

— Mais, Monsieur sait bien que je suis une roulure…

— Voyons…

— Une sale fille…

— Voyons… voyons…

— Que j’ai de mauvaises maladies…

— Mais, nom d’un chien, Célestine !… Voyons, Célestine… Écoutez-moi…

— Merde !…

Ma foi, oui !… j’ai lâché cela, carrément… J’en ai assez… Ça ne m’amuse plus de lui mettre, par mes coquetteries, la tête et le cœur à l’envers…


Rien ne m’amuse ici… Et le pire, c’est que rien, non plus, ne m’y embête… Est-ce l’air de ce sale pays, le silence de la campagne, la nour-