Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/214

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de chambre, Jean ajoute le rôle de manifestant politique et de conspirateur royaliste. Il manifeste avec Coppée, Lemaître, Quesnay de Beaurepaire ; il conspire avec le général Mercier, tout cela, pour renverser la République. L’autre soir, il a accompagné Coppée à une réunion de la Patrie Française. Il se pavanait sur l’estrade, derrière le grand patriote, et, toute la soirée, il a tenu son pardessus… Du reste, il peut dire qu’il a tenu tous les pardessus de tous les grands patriotes de ce temps… Ça comptera, dans sa vie… Un autre soir, à la sortie d’une réunion dreyfusarde où la comtesse l’avait envoyé, afin de « casser des gueules de cosmopolites », il a été emmené au poste, pour avoir conspué les sans-patrie, et crié à pleine gorge : « Mort aux juifs !… Vive le Roy !… Vive l’armée ! » Mme  la comtesse a menacé le gouvernement de le faire interpeller, et monsieur Jean a été aussitôt relâché… Il a même été augmenté par sa maîtresse, de vingt francs par mois, pour ce haut fait d’armes… M. Arthur Meyer a mis son nom dans le Gaulois… Son nom figure aussi, en regard d’une somme de cent francs, dans la Libre Parole, parmi les listes d’une souscription pour le colonel Henry… C’est Coppée qui l’a inscrit d’office… Coppée encore, qui l’a nommé membre d’honneur de la Patrie Française… une ligue épatante… Tous les domestiques des grandes maisons en sont… Il y a aussi