Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/309

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mement maquillée, trop blanche de peau, trop rouge de lèvres, trop blonde de cheveux, mais jolie encore, froufroutante… et une prestance, et un chic !… Pour ça, il n’y avait rien à dire…

Je possédais déjà un œil très sûr. Rien que de traverser rapidement un intérieur parisien, je savais en juger les habitudes, les mœurs, et, bien que les meubles mentent autant que les visages, il était rare que je me trompasse… Malgré l’apparence somptueuse et décente de celui-là, je sentis, tout de suite, la désorganisation d’existence, les liens rompus, l’intrigue, la hâte, la fièvre de vivre, la saleté intime et cachée… pas assez cachée, toutefois, pour que je n’en découvrisse point l’odeur… toujours la même !… Il y a aussi, dans les premiers regards échangés entre les domestiques nouveaux et les anciens, une espèce de signe maçonnique — spontané et involontaire le plus souvent — qui vous met aussitôt au courant de l’esprit général d’une maison. Comme dans toutes les autres professions, les domestiques sont très jaloux les uns des autres, et ils se défendent férocement contre les intrusions nouvelles… Moi aussi, qui suis pourtant si facile à vivre, j’ai subi ces jalousies et ces haines, surtout de la part des femmes que ma gentillesse enrageait… Mais pour la raison contraire, les hommes — il faut que je leur rende cette justice — m’ont toujours bien accueillie…

Dans le regard du valet de chambre qui