Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/310

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m’avait ouvert la porte chez Mme de Tarves, j’avais lu nettement ceci : « C’est une drôle de boîte… des hauts et des bas… on n’y a guère de sécurité… mais on y rigole tout de même… Tu peux entrer, ma petite. » En pénétrant dans le cabinet de toilette, j’étais donc préparée — dans la mesure de ces impressions vagues et sommaires — à quelque chose de particulier… Mais, je dois en convenir, rien ne m’indiquait ce qui m’attendait réellement, là-dedans.

Madame écrivait des lettres, assise devant un bijou de petit bureau… Une grande peau d’astrakan blanc servait de tapis à la pièce. Sur les murs de soie crème, je fus frappée de voir des gravures du xviiie siècle, plus que libertines, presque obscènes, non loin d’émaux très anciens figurant des scènes religieuses… Dans une vitrine, une quantité de bijoux anciens, d’ivoires, de tabatières à miniatures, de petits saxes galants, d’une fragilité délicieuse. Sur une table, des objets de toilette, très riches, or et argent… Un petit chien, havane clair, boule de poils soyeux et luisants, dormait sur la chaise longue, entre deux coussins de soie mauve.

Madame me dit :

— Célestine, n’est-ce pas ?… Ah ! je n’aime pas du tout ce nom… Je vous appellerai Mary, en anglais… Mary, vous vous souviendrez ?… Mary… oui… C’est plus convenable…

C’est dans l’ordre… Nous autres, nous n’avons