Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/350

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qui vous convient… Il ne s’en est pas encore présenté une seule, comme nous la voulons pour vous, comme vous la méritez…

Les jours, les semaines s’écoulaient ; les places n’étaient jamais assez bonnes, assez exceptionnelles pour moi… Et les frais couraient toujours.

Bien qu’il y eût une surveillante au dortoir, il s’y passait, chaque nuit, des choses à faire frémir. Dès que la surveillante avait terminé sa ronde et que tout semblait dormir, alors on voyait des ombres blanches se lever, glisser, entrer dans des lits, sous les rideaux refermés… Et l’on entendait de petits bruits de baisers étouffés, de petits cris, de petits rires, de petits chuchotements… Elles ne se gênaient guères, les camarades… À la lueur trouble et tremblante de la lampe qui pendait du plafond au milieu du dortoir, bien des fois, j’ai assisté à des scènes d’une indécence farouche et triste… Les bonnes sœurs, saintes femmes, fermaient les yeux pour ne rien voir, se bouchaient les oreilles pour ne rien entendre… Ne voulant point de scandale chez elles — car elles eussent été obligées de renvoyer les coupables — elles toléraient ces horreurs, en feignant de les ignorer… Et les frais couraient toujours.

Heureusement, au plus fort de mes ennuis, j’eus la joie de voir entrer dans l’établissement une petite amie, Clémence, que j’appelais Cléclé… et que j’avais connue dans une place, rue de l’Uni-