Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/483

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Elle haussa les épaules et se pinça les lèvres :

— Il s’agit bien du rébus !… Alors, tu ne remarques rien ?… D’abord, toi, tu ne remarques jamais rien…

Monsieur promenait dans la pièce, du tapis au plafond, de la toilette à la porte, un regard embêté, tout rond… excessivement comique…

— Ma foi, non !… qu’est-ce qu’il y a ?… Il y a donc, ici, quelque chose de nouveau, que je n’aie pas remarqué… Je ne vois rien, ma parole d’honneur !…

Madame devint toute triste, et elle gémit :

— Robert, tu ne m’aimes plus…

— Comment, je ne t’aime plus !… Ça, c’est un peu fort, par exemple !…

Il se leva, brandissant le journal de modes…

— Comment… je ne t’aime plus… répéta-t-il… En voilà une idée !… Pourquoi dis-tu cela ?…

— Non, tu ne m’aimes plus… parce que, si tu m’aimais encore… tu aurais remarqué une chose…

— Mais quelle chose ?…

— Eh bien !… tu aurais remarqué mon corset…

— Quel corset ?… Ah ! oui… ce corset… Tiens ! je ne l’avais pas remarqué, en effet… Faut-il que je sois bête !… Ah ! mais, il est très joli, tu sais… ravissant…

— Oui, tu dis cela, maintenant… et tu t’en fiches pas mal… Je suis trop stupide, aussi… Je m’éreinte à me faire belle… à trouver des choses