Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/485

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plus nerveuse, la bouche pâle, les mains crispées, elle débita très vite :

— Tu m’agaces… tu m’agaces… tu m’agaces… Est-ce clair ?… Va-t’en !

Monsieur continuait de balbutier, tout en montrant maintenant des signes d’exaspération :

— Ma chérie !… Ça n’est pas raisonnable… Pour un corset !… Ça n’a aucun rapport… Voyons, ma chérie… regarde-moi… souris-moi… C’est bête de se faire tant de mal pour un corset…

— Ah ! tu m’emmerdes, à la fin !… vomit Madame d’une voix de lavoir… tu m’emmerdes !… Va-t’en…

J’avais fini de lacer ma maîtresse… Je me levai sur ce mot… ravie de surprendre à nu leurs deux belles âmes… et de les forcer à s’humilier, plus tard, devant moi… Ils semblaient avoir oublié que je fusse là… Désireuse de connaître la fin de cette scène, je me faisais toute petite, toute silencieuse…

À son tour, Monsieur qui s’était longtemps contenu, s’encoléra… Il fit du journal de modes un gros bouchon qu’il lança de toutes ses forces contre la toilette… et il s’écria :

— Zut !… Flûte !… C’est trop embêtant aussi !… C’est toujours la même chose… On ne peut rien dire, rien faire sans être reçu comme un chien… Et toujours des brutalités, des grossièretés… J’en ai assez de cette vie-là… j’en ai plein le dos de ces manières de poissarde… Et veux-tu