Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/486

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que je te dise ?… Ton corset… eh bien, il est ignoble, ton corset… C’est un corset de fille publique…

— Misérable !…

L’œil injecté de sang, la bouche écumante, les poings fermés, menaçants, elle s’avança vers Monsieur… Et telle était sa fureur que les mots ne sortaient de sa bouche qu’en éructations rauques…

— Misérable !… rugit-elle, enfin… Et c’est toi qui oses me parler ainsi… toi ?… Non, mais c’est une chose inouïe… Quand je l’ai ramassé dans la boue, ce beau monsieur panné, couvert de sales dettes… affiché à son cercle… quand je l’ai sauvé de la crotte… ah ! il ne faisait pas le fier !… Ton nom, n’est-ce pas ?… Ton titre ?… Ah ! ils étaient propres ce nom et ce titre, sur lesquels les usuriers ne voulaient plus t’avancer même cent sous… Tu peux les reprendre et te laver le derrière avec… Et ça parle de sa noblesse… de ses aïeux… ce monsieur que j’ai acheté et que j’entretiens !… Eh bien… elle n’aura plus rien de moi, la noblesse… plus ça !… Et quant à tes aïeux, fripouille, tu peux les porter au clou, pour voir si on te prêtera seulement dix sous sur leurs gueules de soudards et de valets !… Plus ça, tu entends !… jamais… jamais !… Retourne à tes tripots, tricheur… à tes putains, maquereau !…

Elle était effrayante… Timide, tremblant, le dos lâche, l’œil humilié, Monsieur reculait devant