Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/506

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face bouffie, et ta chemise qui passe ?… Crois-tu que cela va nous rendre notre argenterie ? Allons… secoue-toi… démène-toi un peu… tâche de comprendre. Va chercher les gendarmes, le juge de paix… Est-ce qu’ils ne devraient pas être ici depuis longtemps ?… Ah ! quel homme, mon Dieu !

Monsieur se disposait à sortir, courbant le dos. Elle l’interpella :

— Et comment se fait-il que tu n’aies rien entendu ?… Ainsi, on déménage la maison… on force les portes, on brise les serrures, on éventre des murs et des caisses… Et tu n’entends rien ?… À quoi es-tu bon, gros lourdaud ?

Monsieur osa répondre :

— Mais toi non plus, mignonne, tu n’as rien entendu…

— Moi ?… Ce n’est pas la même chose… N’est-ce pas l’affaire d’un homme ?… Et puis tu m’agaces… Va-t-en.

Et tandis que Monsieur remontait pour s’habiller, Madame, tournant sa fureur contre nous, nous apostropha :

— Et vous ?… Qu’est-ce que vous avez à me regarder, là, comme des paquets ?… Ça vous est égal à vous, n’est-ce pas, qu’on dévalise vos maîtres ?… Vous non plus, vous n’avez rien entendu ?… Comme par hasard… C’est charmant d’avoir des domestiques pareils… Vous ne pensez qu’à manger et dormir… Tas de brutes !