Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/507

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Elle s’adressa directement à Joseph :

— Pourquoi les chiens n’ont-ils pas aboyé ? Dites… pourquoi ?

Cette question parut embarrasser Joseph, l’éclair d’une seconde. Mais il se remit vite…

— Je ne sais pas, moi, Madame dit-il, du ton le plus naturel… Mais, c’est vrai… les chiens n’ont pas aboyé. Ah ! ça, c’est curieux, par exemple !…

— Les aviez-vous lâchés ?…

— Certainement que je les avais lâchés, comme tous les soirs… Ça c’est curieux !… Ah ! mais, c’est curieux !… Faut croire que les voleurs connaissaient la maison… et les chiens.

— Enfin, Joseph, vous si dévoué, si ponctuel, d’habitude… pourquoi n’avez-vous rien entendu ?

— Ça, c’est vrai… j’ai rien entendu… Et voilà qui est assez louche, aussi… Car je n’ai pas le sommeil dur, moi… Quand un chat traverse le jardin, je l’entends bien… C’est point naturel, tout de même… Et ces sacrés chiens, surtout… Ah ! mais, ah ! mais !…

Madame interrompit Joseph :

— Tenez ! Laissez-moi tranquille… Vous êtes des brutes, tous, tous ! Et Marianne ?… Où est Marianne ?… Pourquoi n’est-elle pas ici ?… Elle dort comme une souche, sans doute.

Et sortant de l’office, elle appela dans l’escalier :

— Marianne !… Marianne !

Je regardai Joseph, qui regardait les caisses.